La troisième et dernière vie de François Mitterrand
Dans son livre «le Dernier secret», la journaliste du «Monde» Solenn de Royer révèle que l’ancien président socialiste a vécu une histoire d’amour avec une jeune étudiante de cinquante ans sa cadette pendant les huit dernières années de sa vie.
Le temps nous aura révélé bien des choses sur la vie (secrète) de François Mitterrand. Son amitié avec le collabo René Bousquet, sa double vie partagée entre sa femme Danielle et Anne Pingeot et évidemment l’existence de sa fille cachée, Mazarine… Pourtant, vingt-cinq ans après la mort de l’ancien président de la République, certains pans de sa vie restaient encore méconnus. Dans son livre, le Dernier secret (Grasset), la journaliste du Monde Solenn de Royer révèle que le Sphinx menait en réalité une triple vie. De 1988 à sa mort en 1996, l’ex-leader du Parti socialiste a vécu une liaison amoureuse avec Claire, une jeune étudiante en droit de cinquante ans sa cadette.
En 1984, Claire, tout juste 18 ans, quitte son Limoges natal pour la capitale. La jeune femme issue d’une famille bourgeoise de droite qui «a paniqué à l’élection de François Mitterrand, le 10 mai 1981», dixit Solenn de Royer, y commence des études de droit. Arrivée à Paris, Claire prend rapidement sa carte au Parti socialiste. A l’université, elle défend bec et ongles un François Mitterrand qui a perdu de sa superbe auprès du peuple de gauche depuis le tournant de la rigueur. «François Mitterrand, une idole», résume la grande reporter.
«Elle voulait faire partie de la famille»
Mais Claire veut aller plus loin. La jeune femme se met en tête de rencontrer le leader de gauche qu’elle admire tant. «Elle sentait une ferveur autour de cet homme, à laquelle elle désirait communier. Elle voulait faire partie de la famille, du clan. Etre adoptée», écrit de Royer. Avec un ami, Benoît, elle s’invite à de nombreux déplacements de Mitterrand. Le contact se noue petit à petit. Puis quelques années plus tard, en 1988, leur relation prend un tour plus intime, une idylle naît entre la jeune femme de 18 ans et le vieux président. Quand Claire n’est pas reçue à l’Elysée, Mitterrand se rend dans l’appartement de l’étudiante en droit situé rue du Four dans le VIe arrondissement. «[Claire] participera, même, par la suite à des voyages officiels», révèle la journaliste du Monde. Des voyages dont elle conserve aujourd’hui des souvenirs, comme un stylo offert par le Premier ministre du Québec ou une bouteille de sirop d’érable.
Leur relation deviendra rapidement intense. Mitterrand téléphone deux fois par jour, chaque matin et chaque soir, à Claire. Lui laisse des messages quand elle n’est pas là. Le président de la République d’alors s’intéresse à la vie de sa jeune maîtresse, à ses cours, ses relations amicales, se propose même d’intervenir quand il juge que cela peut être nécessaire. Celui que beaucoup surnomment «Tonton» se montre même très possessif. «Lui n’aime pas qu’elle sorte, il aimerait la garder pour lui seul», raconte Solenn de Royer.
«Je t’ai vue plus longtemps que Lech Walesa»
Claire semble, elle, éperdument amoureuse de ce vieux président. «Elle ne pense qu’à lui. A l’instant où elle va enfin le retrouver dans la bibliothèque de l’Elysée, aux dîners chez les écaillers, aux lentes flâneries», relate la grande reporter. Le temps que Mitterrand peut lui accorder dépend évidemment beaucoup de son emploi du temps de chef de l’Etat et de ses autres familles. La jeune étudiante aimerait le voir plus souvent et n’hésite pas à le lui faire remarquer. «Mais, je t’ai vue plus longtemps que Sakharov et Walesa !» se défend le leader de la gauche sans convaincre son amie. La jeune femme fait fi des rumeurs qui prêtent à son amant de nombreuses relations adultérines. «Je suis quoi moi dans tout ça ? Un jouet ? Une doublure ?» l’interroge-t-elle quand en 1994 Paris Match révèle l’existence de Mazarine, sa fille cachée. «Les mois qui suivent sont empoisonnés par ces révélations», chronique Solenn de Royer.
Au fil des années, la jeune étudiante voit la maladie changer François Mitterrand. Le Sphinx «râle, récrimine, devient de plus en plus difficile, capricieux», décrit la journaliste. Comme pour se racheter du mal causé par les révélations de Paris Match, il lui ouvre grand les portes de son palais, passe plus de temps avec elle. Pour sa dernière journée à l’Elysée, le 16 mai 1995, le socialiste invite même sa jeune amante à déjeuner. Le repas est silencieux, le vieux président est exténué. Sa femme Danielle se joint à eux, rendant l’atmosphère particulière. Quelques mois plus tard, l’ancien leader de la gauche meurt des suites de son cancer de la prostate. La veille de ses obsèques, Claire est à la Bastille au milieu de la foule. Loin du premier cercle qu’elle a longtemps pu approcher.
LIBERATION-publié le 1er octobre 2021 à 14h24
Auteur Sollen de Royer
Date de dernière mise à jour : Sam 02 oct 2021