Le siège de la Rochelle
Aujourd'hui, l'agglomération rochelaise compterait près d'un million d'habitants, si la ville n'avait pas perdu les quatre cinquièmes de sa population lors du Grand Siège de 1627-
Avant le siège, il y avait environ (1) 90 000 habitants à Lyon, 75 000 à Marseille, 55 000 à Lille, 30 000 à Bordeaux, 28 000 à La Rochelle et 25 000 à Nantes. La plupart ont multiplié leur population par 20 ou 30. La Rochelle aussi, mais après que le blocus n'eût laissé, au milieu des remparts, que 5 500 survivants affamés.
En quatorze mois, 22 500 Rochelais étaient morts de faim. Hormis la peste noire qui décima une grande partie de l'Europe au XIVe siècle, on n'avait guère connu pareille hécatombe démographique en un temps si court.
C'est dire l'importance de ce Grand Siège dans la fondation de l'identité de la ville que nous connaissons aujourd'hui. Mais, paradoxalement, son évocation est restée très discrète au fil des siècles.
Un casting remarquable
L'exposition qui lui est consacrée, à partir du Jeudi 18 Décembre 2008 au musée d'Orbigny-Bernon, est la première depuis... trente ans, alors qu'on en célébrait le 350e anniversaire
« Au moment des faits, le Grand Siège a eu une portée internationale. Il faut dire qu'il bénéficiait d'un casting remarquable : il y avait Louis XIII, le roi de France en personne, qui est resté pendant un an devant les remparts de La Rochelle, et le cardinal de Richelieu. Et les seconds rôles se sont révélés étonnants. Notamment Jean Guiton, que personne ne connaissait et qui a montré qu'il savait donner la réplique aux plus grands », raconte Jean-Louis Labour, l'incontournable historien de La Rochelle et président de l'Office de tourisme.
Quelque 500 opuscules et gravures ont été réalisés sur le Grand Siège de La Rochelle, qui eut une portée médiatique considérable.
« De l'intérieur, ce sont les écrits de Pierre Mervault qui nous en disent le plus. Il avait 19 ans. Il a raconté au jour le jour ce qu'il voyait. C'est grâce à lui que l'on sait que, les dernières semaines, les assiégés mangeaient les morts pour survivre. »
Ce blocus de 14 mois fut donc d'abord une tragédie humaine. « Elle a sans doute forgé l'âme rochelaise. La culture de
Pour autant, jamais il ne fut question de musée du Grand Siège à La Rochelle. « Je pense que le sujet est encore trop lourd à porter. Une commémoration, une exposition, ça va. Mais pour un musée, il s'en trouverait sûrement pour dire qu'on a fait la part belle à un camp plutôt qu'à l'autre. Les guerres de religion ne sont pas si loin. Regardez l'Irlande. »
Comme à Carcassonne
Si le Grand Siège n'avait pas eu lieu, donc, La Rochelle serait une grande ville. Et, comme Carcassonne, elle aurait sans doute conservé ses remparts. Serait-elle plus protestante que catholique ?
« Je ne le crois pas. Les Rochelais auraient fait comme les protestants des autres villes à la Révocation, en 1685 : ils auraient baissé le nez, lu la Bible en secret et se seraient montrés à la messe le dimanche. »
Quelles traces reste-t-il de cette année terrible où La Rochelle bravait la France ? Les fondations de
« Pour le reste, pas grand chose. La ville intramuros était déjà telle qu'elle est. Et, hors la famine et la mort lente, il ne s'est pas passé grand chose pendant le siège. Il y a donc peu de vestiges. La chaîne n'est pas celle qui fermait le port, le coup de colère de Jean Guiton plantant un couteau sur son bureau n'est pas prouvé et le calice de Richelieu est peut-être un faux. Il y a beaucoup de légendes autour de la vraie histoire. Il ne se dit pas trop, par exemple, que les derniers jours du siège, Jean Guiton ne sortait plus de chez lui, de peur d'être lynché. Je crois que La Rochelle a eu la sagesse de vivre avec ce lourd passé sans ranimer la flamme. »
À l'époque, on parlait en feux, c'est-à-dire foyers. Les chiffres avancés sont des extrapolations du nombre de feux en nombre d'habitants. À la capitulation, les remparts ont été rasés et un certificat de baptême exigé pour tout habitant.
Annick Notter et la genèse de l'exposition
Juste arrivée comme conservateur en chef des musées d'art et d'histoire, Annick Notter a cherché « une exposition réalisable en six mois ». « Avec ce qu'on possédait déjà au musée et le fonds disponible à la médiathèque », le Grand Siège était la solution idéale. « Il reste qu'on est limité par l'espace. »
La célèbre gravure de Jacques Callot, représentant le plan du pays rochelais lors du Grand Siège, sera une des principales attractions de cette exposition.
En effet, outre le fait qu'un nouveau tirage a pu être réalisé grâce au cuivre qui se trouve toujours à la chalcographie du Louvre (le précédent datait du XIXe siècle), l'épreuve a pu être numérisée et sera projetée en haute définition, avec programme informatique interactif pour découvrir les détails pittoresques du chef-d'oeuvre de Jacques Callot.
Le tableau manquant
Pratiquement contemporain du Grand Siège, le tableau de Claude Gellée dit Claude Lorrain est l'un des plus célèbres sur le Siège de
Hors les murs rasés de l'enceinte rochelaise, dont ne subsiste guère que
À Périgny, il reste quelques traces du château de Coureilles, qui fut le quartier général du duc d'Angoulême.
La maison du Pont-de-la-Pierre, à Angoulins, abrita Richelieu pendant le siège et, à Aytré, une tour de l'ancien château des Réaux est le seul vestige de la propriété qui accueillit Louis XIII. Toujours à Aytré, le domaine de la Moulinette fut fortifié pour le siège.
Elle se tiendra du 18 Décembre au 16 Mars 2008 au musée d'Orbigny-Bernon. Ce sera l'occasion de revoir les oeuvres déjà exposées mais enrichies et remises en scène, comme la toile d'Henri Motte de « Richelieu sur la digue », « Louis XIII recevant les clés de la ville » qui vient d'être restauré, ou les jetons frappés pendant le siège, de découvrir la tapisserie de Claude de La Pierre habituellement au château de Cadillac. Annick Notter, conservatrice des musées de La Rochelle, attend pour janvier un jeu de stratégie pour les scolaires. « Les uns joueront les Anglais, les autres les Royaux et les troisièmes les Rochelais. Le but du jeu sera de faire ou d'empêcher de faire entrer les denrées dans la ville. » L'exposition sera également l'occasion de publier les actes du colloque de 2004 de la Société des Archives d'Aunis et Saintonge sur le Grand Siège.
Auteur : Thomas Brosset 15 Décembre 2008
Date de dernière mise à jour : Mar 27 juil 2021